Connaissez-vous The Lobster ? Sous ce titre énigmatique (lobster signifie homard en Français), se cache un film étonnant, pour ne pas dire barré et déjanté, du cinéaste grec Yórgos Lánthimos, connu notamment pour son dernier film controversé et à succès : Pauvres créatures.

Mais au fait, c’est quoi The Lobster ? Et est-ce que c’est bien ?

Affiche du film The Lobster

Fiche technique

  • Année de sortie : 2015
  • Pays : Grèce, Royaume-Uni, Pays-Bas, Irlande, France
  • Réalisateur : Yórgos Lánthimos
  • Co-scénariste : Efthimis Filippou
  • Genre : Comédie dramatique, fantastique, romance
  • Durée : 1h58
  • Note Allociné Presse : 3,4 / 5 – (32 critiques)
  • Note Allociné Spectateurs : 3,3 / 5 – (406 votes)
  • Note IMDB : 7,1 / 10 – (sur 289 000 votes)
  • Entrées France : 237 232
  • Où le voir ? : En VOD. Il était récemment disponible sur le catalogue d’Amazon Prime Video.

The Lobster a obtenu plusieurs récompenses :

  • Prix du Jury au Festival de Cannes en 2015.
  • Prix du Public (meilleur film fantastique international) au Festival européen du film fantastique de Strasbourg en 2015.
  • Prix Georges Delerue de la meilleure musique au Festival international du film de Flandre-Gand en 2015.
  • Meilleure actrice dans un second rôle (Olivia Colman) aux British Independant Film Awards 2015.
    Le film a également obtenu 5 autres nominations (dont meilleur réalisateur, scénario, acteur) lors de cette dernière cérémonie.
  • Nommé pour l’Oscar du meilleur scénario original.
John C. Reilly, Ben Whishaw et Colin Farrell dans The Lobster
John C. Reilly, Ben Whishaw et Colin Farrell.

C’est avec qui ?

On retrouve plusieurs comédiens (très) connus, avec l’acteur irlandais Colin Farrell en tête d’affiche, dans la peau du protagoniste principal.
A ses côtés, la toujours ravissante Britanno-américaine Rachel Weisz, ainsi que l’actrice française Léa Seydoux.

La distribution est également composée de Ben Whishaw (vu dans de nombreux films, et le nouveau « Q » des James Bond), ou encore d’un John C. Reilly, figure d’Hollywood depuis la fin des années 80 et qu’on ne présente plus.

Parmi les seconds rôles on pourra aussi citer Ashley Jensen, Olivia Colman (vue récemment dans Wonka), Jessica Barden, Michael Smiley, ou encore Roger Ashton-Griffiths. Citons également la Franco-grecque Ariane Labed, aujourd’hui épouse du réalisateur du film.

Yórgos Lánthimos
Yórgos Lánthimos, le réalisateur.

Qui est Yórgos Lánthimos ?

Yórgos Lánthimos est un réalisateur grec né à Athènes en 1973, d’une mère vendeuse et d’un père basketteur international. Après avoir appris les bases de son métier à l’école de cinéma de Stavrakos, il réalise des vidéos de danse en collaboration avec des chorégraphes grecs, des publicités, des clips vidéo, sans oublier le théâtre et même la photographie en autres cordes à son arc. Il aura en outre participé au collectif chargé de réaliser les cérémonies d’ouverture et de clôture des J.O. d’Athènes en 2004.

S’ensuivront quelques courts-métrages ainsi que des premiers longs-métrages. Dès ses premières réalisations, il attire l’attention et reçoit des récompenses (Prix « Un certain regard » du Festival de Cannes en 2009 pour Canine – également nommé aux Oscars dans la catégorie films étrangers -, Prix du scénario de la Mostra de Venise en 2011 pour Alps).

En 2015 il obtient donc le Prix du Jury pour The Lobster à Cannes (son premier film tourné en langue anglaise). Suivront un Prix du scénario en 2017 toujours à Cannes, pour Mise à mort du cerf sacré, et un autre Prix du Jury cette fois encore à la Mostra de Venise en 2018 pour La favorite (qui remportera aussi les prix du Meilleur réalisateur et du Meilleur film en 2019 à la Cérémonie des Prix du cinéma européen, ainsi que 7 trophées BAFTAs sur 12, sans oublier 10 nominations aux Oscars).
Tout récemment il reçoit une double consécration pour Pauvres Créatures (Poor Things), avec le Lion d’or à la Mostra de Venise 2023, et le trophée pour le « meilleur film musical ou comédie » aux Golden Globes 2024.
En attendant un ou plusieurs Oscars (sur ses 11 nominations) en mars ?

Ancien joueur de basketball (il a brièvement joué en première division grecque au début des années 90), il est membre depuis 2016 de l’Academy of Motion Picture Arts and Sciences (qui remet les Oscars), et a été membre du jury au Festival de Cannes en 2019.

Considéré comme l’un des réalisateurs les plus prometteurs de sa génération (en dépit d’un certain manque de diffusion jusque là notamment en France), ses thèmes de prédilection sont les univers dystopiques (mais aussi aristocratiques), la politique et le pouvoir, les relations sociales, la servitude, le sacrifice, le tout bien souvent sous la forme de satire appuyée notamment par un humour pince sans-rire.

Son prochain film (actuellement en post-production) se nomme Kinds of Kindness, et sera un film à sketches, avec son actrice fétiche Emma Stone ou encore Jesse Plemons et Willem Dafoe.

Colin Farrell à la piscine dans The Lobster.

Synopsys – The Lobster : de quoi ça parle ?

Dans un futur proche, les célibataires sont internés dans un établissement (hôtel) un peu spécial. Ils ont alors 45 jours pour trouver l’âme sœur, à défaut de quoi il seront transformés en l’animal de leur choix. En plus de règles strictes, diverses activités sont organisées pour aider les pensionnaires dans leur quête, voire même des « périodes d’essai » de mise en couple.
Mais des résistants (les « Solitaires ») vivant en marge dans la forêt, s’érigent contre ce système, au péril de leur vie. Ceux-ci sont en effet chassés, chaque Solitaire attrapé permettant de recevoir un crédit de jours supplémentaires au résident.

Le début du film suit l’arrivée et l’installation de David, de nouveau célibataire depuis que sa femme l’a quitté, accompagné de son frère déjà transformé en chien. Trouvera t-il sa moitié dans l’établissement pour échapper à un funeste sort, ou rejoindra t-il la résistance ?

"The Lobster est une histoire d'amour peu conventionnelle sur les conséquences terribles de la solitude, de la peur de mourir seul et de la peur de vivre avec quelqu'un d'autre."
Yorgos Lanthimos
Yórgos Lánthimos
Réalisateur
Danse dans le film The Lobster

Critique et Analyse de The Lobster

Sous ses airs de fable onirique, loufoque et grotesque, qui accentue l’absurde de la situation, Yórgos Lánthimos propose un film critique, acide et amer, ou plusieurs lectures sont possibles. Le régime totalitaire de l’hôtel et la présence d’une frange de la population résistante, n’est pas sans rappeler de nombreux films dystopiques. On pense bien sûr en premier lieu à 1984 de George Orwell, voire à des œuvres plus récentes telles que l’excellent (et non moins prémonitoire) Equilibrium.

Dans The Lobster, le conformisme aux dictats de la société est dépeint sous sa forme la plus crasseuse, jusqu’à susciter le dégoût.
On remarquera d’ailleurs aussi que le thème de l’embrigadement voire de l’emprisonnement était déjà présent dans le film Canine du même réalisateur, où cette fois des enfants étaient coupés du monde extérieur par leurs parents.

Totalitarisme(s) et lutte des clans

A noter que le totalitarisme ne se retrouve pas que du côté de l’hôtel, puisque les Solitaires ont eux aussi leurs règles (les flirts sont interdits), règles que certains enfreignent parfois.
D’un extrême à l’autre, on retrouve finalement ici les mêmes excès que l’on peut constater dans notre propre société : injonction sociale d’être en couple au risque de passer pour un paria, ou rejet total de cette norme du côté des personnes qui veulent rester seules. Soit la plus pure expression du conformisme et de l’anti-conformisme.

On remarque aussi qu’à forcer ces clans, cette société entraîne des exactions (et trahisons) des deux côtés (« chasse » aux Solitaires d’un côté, expéditions punitives de l’autre). Bien que l’on ait rapidement envie de se ranger du côté des Solitaires, le film ne tombe donc pas non plus dans un manichéisme trop facile.

Léa Seydoux et les Solitaires dans le film The Lobster

Culpabilisation et acceptation aveugle

Ce qui frappe, c’est aussi l’acceptation aveugle de la plupart des individus – une attitude qui prend encore plus de sens en 2024. Dès leur arrivée, les nouveaux résidents sont même privés de l’usage d’une main pendant 24h. Puis tout est fait pour culpabiliser (cf la scène du théâtre ou la visite du matin) et déshumaniser (les résidents sont appelés par leur numéro de chambre). Culpabiliser les gens et les déshumaniser, tiens, ça ne vous rappelle rien ?
Pour renforcer la déshumanisation d’une telle société, on notera d’ailleurs que seuls trois personnages (le protagoniste, Robert et John) sont nommés par leur prénom.

Bien sûr on retrouve aussi d’autres parallèles avec la société, notamment l’expression de la dictature de la pensée (appuyée par de la propagande lors de soirées organisées) Les personnages doivent en outre absolument avoir un point commun, et tentent parfois d’être quelqu’un d’autre (jusqu’à se renier) pour séduire, ce qui n’est jamais une bonne idée en matière de séduction. On voit aussi que les gens finissent par être prêts à tout pour réussir à trouver quelqu’un, jusqu’à commettre l’irréparable s’ils n’y parviennent pas.

Entre parallèles et miroir de notre société

L’éclairage (quasiment intégralement en lumière naturelle sauf la nuit) et les tons principaux du film viennent renforcer l’atmosphère triste et angoissante, oppressante, voire glauque et malsaine. Beaucoup de tristesse se dégage de certaines scènes, comme par exemple lors de la « fête ».
La musique classique, parfois stridente ou froide, ou encore les ralentis, pourraient presque faire penser à du Kubrick par moments.

Le film est cruel, mais n’est finalement qu’un miroir de notre société, notamment en matière de pression sociale et de relations.

Quelque part, de par tous ses thèmes et leur traitement, on se dit que The Lobster aurait finalement pu être un épisode de la série Black Mirror ! – d’ailleurs vous vous souvenez de Hang the DJ ?

Si l’on veut retenir un point quand même optimiste du récit, on pourra relever le message selon lequel l’amour est plus fort que toutes les conventions. Mais le film soulève aussi subtilement la question : jusqu’où est-on près à aller par amour ?

Colin Farrell et Rachel Weisz s'échappent dans le film The Lobster.

The Lobster : Est-ce qu’on a aimé ?

Tout le monde n’aimera pas le homard. C’est un peu la même chose pour ce « Lobster », le genre de film que l’on aime ou que l’on déteste, ou en tout cas qui ne laisse pas indifférent.
Pour ma part je dirais que je n’ai ni aimé ni pas aimé. L’ambiance particulière et le ton peuvent rebuter, même si l’on comprend la démarche assumée du réalisateur à travers ce style.

La réalisation et le rythme sont peut-être ce qui aurait pu être plus élaborés, même si tout participe à sa manière à cette ambiance morne voire anxiogène. Même la narratrice façon Amélie Poulain (façon de parler ici !), trouve son utilité.
Attention, le film peut parfois se montrer cru, mais vous vous doutiez sans doute déjà qu’il ne s’agit pas d’un film familial.

Une ambiance particulière et décalée : tout le monde n’aimera pas

En fait je ne classerais pas ce film parmi les films dits « divertissants », même si on ne s’ennuie pas forcément non plus (quoique cela dépendra des spectateurs). Il faut dire qu’à chaque scène, on se demande bien ce qu’il va se passer ! En cela le film reste aussi amusant par moments.

Mais The Lobster est plutôt une forme d’ « œuvre d’art » (que l’on aime ou que l’on déteste là aussi), et au minimum un film qui donne à réfléchir, et qui marque l’esprit d’une manière ou d’une autre.

Sans dire que le film est un indispensable, je dirais que c’est tout de même le genre de film à voir pour sa culture cinématographique. Bien sûr, il faut avoir l’esprit très éclectique en matière de cinéma face à un tel OVNI.
Il faut juste au préalable savoir où l’on met les pieds. Ceci dit, dès la scène d’ouverture avec la biche, le ton est normalement donné…
Mais en faisant marcher son cerveau, on ne pourra ensuite être insensible aux messages véhiculés, et qui doivent au minimum faire réfléchir !

Un film qui bouscule, dérange, fait réfléchir

The Lobster donne d’ailleurs l’occasion de voir un Colin Farrell à contre-emploi, loin de ses rôles de beau gosse invulnérable. C’est également toujours un plaisir de voir la belle et talentueuse Rachel Weisz. Sans oublier une belle palette de seconds rôles.

Sans doute que le film intéressera également plus les célibataires et celles ou ceux en plein questionnement sur les relations, voire la société. Peut-être s’agit-il aussi d’un film à voir dans un certain contexte, mais pas pour se détendre un vendredi soir.
Son ambiance sombre et mélancolique (qui se retrouve aussi dans l’attitude désabusée du héros et l’expression du temps qui passe), pourrait cependant ne pas convenir à ceux qui vivent mal leur célibat. D’ailleurs, comment ne pas voir un parallèle entre cet hôtel et celles et ceux qui se résignent à s’inscrire sur un site de rencontres ? Il faut cependant aimer être bousculé et décontenancé lorsqu’on aborde un tel film. C’est aussi parfois ce qui permet d’avancer, comme d’ailleurs pour les personnages du film.

Quant à donner une note, cela est bien difficile, tant ce film divisera, entre ceux qui y verront un pur navet et d’autres un chef d’œuvre. La vérité est sans doute entre les deux, et un 6/10 semble une note objective à mes yeux. Mais dans tous les cas, si vous êtes curieux, le mieux est toujours de vous faire votre propre idée et appréciation par vous-même ! 😉

Colin Farrell et Rachel Weisz dans The Lobster

Anecdotes sur le film The Lobster : Ce que vous ne saviez (peut-être) pas

  • Le « homard » du titre réfère à l’animal en lequel le héros souhaite être transformé s’il échoue à trouver l’âme sœur, en raison de son cycle de vie et de son amour pour la mer.
  • Le tournage a été bouclé en moins de deux mois (du 24/03 au 09/05 en 2014). Rachel Weisz n’a eu besoin que d’une semaine pour tourner ses prises.
  • Le film a été tourné en Irlande, et notamment à Dublin. C’est l’hôtel Parknasilia Resort & Spa (près de Sneem) qui apparaît dans le film.
  • Le film a été tourné en majeure partie en lumière naturelle, et sans maquillages.
  • Le rôle titre était prévu pour l’acteur Jason Clarke, qui a dû décliner en raison d’autres projets.
  • Colin Farrel a pris du poids pour ce rôle, près de 20 kilos.
  • On peut entendre la chanson « Jeux interdits » dans le film, faisant nette référence aux interdictions auxquelles les personnages doivent se conformer.
  • Vous cherchez le titre de la chanson notamment interprétée par Farrell lui-même dans le film ? Il s’agit de Where the wild roses grow, de Nick Cave & The Bad Seeds avec Kylie Minogue.
  • La bande-originale du film inclut des compositions de Beethoven, Stravinsky, ou encore Strauss.
  • Le co-scénariste Efthimis Filippou avait déjà collaboré avec Yorgos sur l’écriture de ses deux précédent films Canine et Alps. C’est lors d’une discussion entre eux (à propos du besoin des relations et de la vision de ceux qui n’y arrivent pas) qu’ils ont eu l’idée du film.

La bande-annonce (VOST) du film The Lobster :

Crédits photos : Sony Pictures Entertainment ; Haut et Court ; IMDB.

Fred

Célibataire, 42 ans, curieux et touche à tout. Passionné par les voyages, le sport et la gastronomie.

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